Claude Aghion

 

Le samedi 8 Janvier, de l’an de grâce 2010.

 

 

 

 

 

 

 

Vive la Démocratie

 

 

 

 

 

Vous me connaissez, je m’appelle Thésée et c’est le jour de mon initiation. C’est Ariane qui m’a posé un défi : « flinguer le Minotaure ».

 

Je vous  explique le menu.

 

 

 

Dans le dédale des rues de la banlieue où je crèche (comme le petit Jésus), il y a un gros, un méchant, un monstre. Le roi de la pègre. Il se fait appeler le Minotaure.

 

Il y aussi ma poupée Ariane, on l’appelle comme ça à cause de la voiture Ariane et qu’elle est bien balancée. Comme un bolide.

 

Moi j’ai un atout. Mon father (mon père comme on disait avant), il a planqué pour moi une lame, sous une vache de grosse pierre, pour quand je serai grand.

 

 

 

C’est donc le moment de me décider. J’y vais, j’y vais pas (flinguer le Minotaure) ?

 

Y a Ariane et puis y a mon père et puis y a les copains et surtout mon vieux qui est le chef de la cité. Et puis, faut pas oublier, y a moi qu’on appelle Taisait parce que je parle pas beaucoup. Mais je pense quand même. Et tous y m’regardent et y z’attendent…

 

 

 

Entre nous, je me sens encore jeune, même si je fais le méchant en montrant les dents. Je fais le méchant, mais j’ai encore tué personne.

 

Et ça, ça fait mal au pédigrée, comme dit la Police qui a intérêt à montrer qu’elle sert à quelque chose.

 

 

 

En plus moi, je vie bien comme ça. Des copines et pas seulement Ariane l’officielle. Pas de boulot, de toutes les façons y en a pas. Tranquille.

 

Je me lève à midi, je fais la sieste ensuite et tout. Vous voyez quoi.

 

Vous feriez quoi si vous étiez à ma place, bande de gros malins ?

 

 

 

Je vous explique le plan.

 

On me demande gentiment de me ranger, c’est-à-dire de faire le méchant comme les autres. D’écarter les gens qui nous piquent des parts du gâteau (le minotaure, la Police), de me marier (on appelle comme ça la fidélité dans ma cité).

 

 

 

Et j’peux pas dire non, sinon je perds tout. C’est un vrai dédale, comme dirait l’architecte qui a posé n’importe comment les blocs appelés ici « habitations », avec des pièges partout et pas de plan. Help !

 

 

 

Et si je veux la paix et tout avoir, tout garder, je perds tout et on me vire !

 

Si je fais ce que les copains veulent, je perds tout – et en plus ma tranquillité et ma vie. Vous savez quoi ?

 

 

 

Le Minotaure, il est pas con.

 

C’est sûr qu’il prélève sa dime, son pourcentage comme il dit. On a ça de moins, mais il travaille en échange. Les condés, ils ont peur de venir nous embêter pour rien. Le minotaure, y fait des colères et il tue parfois pour se calmer, mais si on l’emmerde pas il est réglo.

 

Il fait partie de l’Economie Participative, comme on disait quand il y avait des écoles.

 

Sans lui, ce serait la bagarre. Il écarte les asociaux qui gênent les petits traffics . Tout le monde veut contrôler le labyrinthe et à la guerre tout le monde y perd et c’est la fin du business.

 

Il représente la Loi, la démocratie qui calme le jeu.

 

Pourquoi il faudrait refaire le monde ? On était si bien.

 

 

 

Si j’étais roi, je ferais comme mon père a fait quand il était jeune.

 

Le minotaure, il continuerait à faire le ménage, c’est-à-dire le sale boulot : virer les incasables. Et moi je m’occuperais du bonheur des gens et de moi. J’ai quelques idées.

 

 

 

Y en a qui aiment travailler, alors ils travailleraient et se battraient (travailler plus pour gagner plus). Et d’autres qui aiment bien comme moi flemmarder et avoir la paix (travailler moins pour gagner plus).

 

Tout le monde aurait sa place et ce serait la Cité de l’Avenir.

 

 

 

Le problème c’est mon père. Le roi de la ville, comme il s’exprime.

 

Il est vieux et les vieux ils réfléchissent plus.

 

Il raisonne comme avant l’équilibre qu’il a lui-même fondé.

 

Le problème c’est lui, d’autant qu’il veut pas encore passer la main.

 

 

 

Ah là là, les parents ils compliquent tout.

 

On s’amusait si bien.

 

 

 

Bon, je vais réfléchir.

 

Mon father, s’il veut la peau du Minotaure, il a qu’à s’y coller. C’est son idée. Il a qu’à être adulte. Merde !

 

 

 

Les vieux, ils appellent ça l’Héritage ce qu'ils ont envie de nous léguer. Merde et merde !

 

 

 

A bas les tyrans !

 

Vive la Démocratie !